Croisière en Mer d’Iroise à la voile à bord de Lord Jim

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De retour à Brest après une magnifique croisière sur les côtes d’Irlande, Lord Jim s’apprête à partir pour une destination moins « exotique », mais qui pourtant rivalise de charmes et offre toujours plein de surprises : La Mer d’Iroise, à la pointe du Finistère. Une croisière en Mer d’Iroise réserve toujours des morceaux de choix, tant par son bassin de navigation que par ses escales dignes des plus beaux voyages à la voile. Allons voir ça de plus près !

En ce 7 août, l’équipage au complet se retrouve au port du Moulin Blanc à Brest et embarque à bord de notre fidèle “Jim”. Le temps d’un petit café du matin autour de la table du carré, nous étudions ensemble les cartes marines de la pointe Bretagne et en particulier l’incontournable « SHOM 5316 » De L’Ile d’Ouessant à la Pointe de Penmarc’h. Après un coup d’œil sur les prévisions météorologiques des quatre jours à venir, nous nous entendons sur un plan ne navigation, en fonction des possibilités du moment, et des envies. La météo marine annonce un vent de nord-ouest pour notre premier jour de croisière, et une houle d’un petit mètre sur la pointe Bretonne. L’île de Sein, face à la pointe du Raz, nous fait de l’œil. La fenêtre météo est favorable, alors mettons les voiles, et “Larguez les pontons!”

Une croisière en Mer d’Iroise au départ de Brest

croisiere en mer d'Iroise
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mouillage à l'ile de Sein

Après une présentation des différentes manœuvres à la voile et un petit topo sécurité, nous quittons le ponton. Les aussières et les défenses rangées, le nouvel équipage prend ses marques et hisse la grand-voile. Le navire prend de la vitesse. Le moteur est stoppé laissant le clapotis de l’eau sur la coque donner le tempo. Dans la foulée, Claude établi le foc et borde au winch. Le bateau réagit au quart de tour et accélère. Une belle vague d’étrave blanchit le long de la coque noire et verte. Nous mettons le cap sur le goulet de Brest, qui nous ouvrira les portes de cette fameuse Mer d’Iroise. A bord, certains équipiers ont déjà une jolie expérience de la croisière à la voile, alors que d’autres découvrent la navigation en croisière sur un voilier habitable. Mais pour tous, c’est la découverte de cette pointe bretonne, de ses îles et de ses chenaux aux courants violents. Nous laissons la Pointe des Espagnols sur notre bâbord et profitons du jusant qui nous pousse à vive allure. Le Fort Mengen puis celui des Capucins sur la presqu’île de Roscanvel sont doublés à leurs tours. Déjà la pointe du Toulinguet est en vue. Nous mettons une ligne de pêche à l’eau sans grande conviction, car la vitesse est importante, mais sait-on jamais…
Chacun son tour prend la barre et se familiarise avec le voilier. Les plus experts sont surpris par sa réactivité et sa finesse à la barre. En effet, si Lord Jim est avant tout un voilier d’expédition, il n’en est pas moins un bateau véloce. Alors que nous doublons le rocher du Lion, les fameux Tas de Pois à la pointe de Pen Hir se découvrent. Nous ne passerons pas cette fois-ci entre ces rochers proéminents, car nous souhaitons arriver avec la marée à l’île de Sein, située à 17 milles nautiques. Le chenal du Petit Leac’h est privilégié. Jim allonge la foulée sur la route directe, le speedomètre indique 8,5 nœuds, l’écume brille dans le long sillage qui s’étire. A 16h30, après avoir doublé le phare de Tevennec, nous embouquons le chenal nord de l’île de Sein. Deux dauphins tursiops, ou « dauphin à gros nez », nous accompagnent jusqu’au mouillage où nous laissons plonger l’ancre sur un fond de sable. Il n’y a guère de place à Sein que pour quatre ou cinq bateaux de notre gabarit, mais une fois l’ancre bien crochée, l’endroit s’avère de toute douceur. Bien abrité, dominé par le phare de Men Brial, nous débarquons en canot sans nous encombrer du moteur hors-bord et c’est à la pagaie que nous abordons l’île.

Lord Jim en escale à l’île de Sein

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Phare d'Ar Men

L’île de Sein ne connait pas les voitures. Les ruelles sont au gabarit des carrioles locales dans lesquelles les habitants chargent les courses, les enfants en bas âge, le matériel de pêche et les araignées et homards fraichement pêchés… Nous traversons le bourg et partons marcher vers le grand phare de Sein à la pointe Ouest. Un isthme relie la partie village de la pointe méridionale. L’ascension des 240 marches du phare s’impose. Juste sous le foyer et la lentille de Fresnel, à près de 50 mètres de hauteur, le spectacle de la chaussée de Sein s’offre à nous. La myriade de roches, à contre-jour contraste avec la brillance de l’eau. On devine les veines de courants du flot qui vient de s’établir. Tout là-bas, au bout du bout on aperçoit le phare d’Ar Men. Ce phare qui donna tant de fil à retordre à ses constructeurs et qui signale aux navires, par 3 éclats toutes les 20 seconde, l’extrémité de cette chaussée qui en a vu des naufrages… Les gardiens des Phares et Balises classaient les phares en trois catégories : le paradis, pour les phares situés à terre, le purgatoire, pour les phares situés sur une ile comme celui de Sein, et l’enfer pour les phares isolés en mer. Le phare d’Ar-Men a reçu le qualificatif suprême « d’enfer des enfers ». Seuls deux phares ont reçu ce qualificatif. Et comme par hasard le deuxième Enfer des enfers, se trouve aussi un Mer d’Iroise, il s’agit du phare de la Jument que nous croiserons d’ici peu.

La balade à Sein se poursuit à travers la lande, le long de la petite chapelle Saint Corentin, de l’imposant amer du chenal oriental, des grèves aux galets lisses comme des œufs géants… De retour au port, un verre au bistrot s’impose. Bien assis sur le parapet, nous profitons du cadre. Des gamins sautent de la cale dans l’eau, sur le quai les anciens jouent la partie de pétanque. Pas un bruit de moteurs… nous sommes à Sein.

Deuxième jour de croisière en mer d’Iroise

globicéphales en mer d'Iroise
navigation vers ouessant

Dans le calme du matin, nous hissons la grand-voile puis virons l’ancre. Une légère brise pousse Lord Jim. Une fois doublé la balise verte « Cornoc an ar Braden » à la sortie du chenal, nous mettons le cap sur l’île d’Ouessant pour une petite trentaine de milles de navigation. Après une heure de route, nous apercevons des ailerons à quelques encablures dans notre ouest. Nous modifions le cap pour nous en approcher. Un banc de globicéphales accompagnés de dauphins communs, viennent jouer autour du bateau. Le ballet dure une bonne demi-heure. Parfois les globicéphales sortent franchement leur tête de l’eau et restent un moment ainsi, nous laissant le temps d’observer leurs bouilles. Voir des dauphins en Bretagne au cours d’une croisière à la voile est fréquent, mais ça reste à chaque fois un grand plaisir. Nous reprenons notre route vers l’île d’Ouessant en profitant d’une brise de sud-ouest qui nous pousse jusqu’au mouillage de la Baie de Lampaul. Nous débarquons et partons en excursion. Les plus motivés partent le long du sentier côtier jusqu’à la pointe de Nividic puis jusqu’au phare du Créac’h. D’autres filent au nord voire la côte déchiquetée face à l’île Keller où trône le château de l’Amiral Cras, inventeur de la célèbre Règle Cras, la règle de navigation utilisée par tous les navigateurs. Nous nous retrouvons tous pour l’apéro sur la terrasse de la Duchesse Anne qui surplombe la baie de Lampaul. La bière est bonne et la vue juste splendide!

Troisième jours de navigation d’Ouessant à Molène par le Passage du Fromveur

Phare de La Jument
Escale à Ouessant
Escale à Litiry

Nous dérapons au matin à la voile pour aller embouquer le chenal du Fromveur. Hum, hum… nous avons un peu trainé au petit déj, et c’est à contre-courant et à très petite vitesse que nous doublons le phare de la jument, notre deuxième « enfer des enfers ». Celui-ci a gagné son qualificatif, car construit à la hâte, il est un peu bancal sur sa base… Pas facile de rester serein pour les gardiens pendant les nuits de tempête, quand on sent le phare vibrer sous les coups.
Tant qu’à butter sur le courant du Fromveur autant en profiter pour taquiner le lieu jaune qui aime chasser dans les parages. La marée ne nous a pas attendu et ne nous fait pas de cadeau. Le Passage du Fromveur est l’un des endroits en Bretagne où le courant est le plus fort. En vives eaux il peut atteindre 8 à 9 nœuds. Nous luttons un bon moment contre le flot, avant de pouvoir rejoindre l’abri de Porz Darland, dans le sud d’Ouessant, où nous faisons relâche. Là, comme toujours, nous sommes le seul voilier à occuper la crique où l’eau est limpide. Un petit bain s’impose même si l’eau reste fraîche. Qu’à cela ne tienne, ça met en appétit!
Nous filons ensuite vers l’île de Quéménes, en empruntant la passe du Grand C’hromm. L’ancre touche le fond devant la plage de L’île de Litiry. Nous ne rendrons pas visite cette fois-ci à Amélie et Etienne, les nouveaux habitants de la Ferme de Quéménes. Leur bateau n’est pas là, ils sont surement sur le continent. Nous apprécions la balade sur l’îlot de Litiry, sa plage de sable fin, son herbe moelleuse et une vue fantastique sur l’archipel de Molène. Quelques phoques gris se prélassent vers l’île de Morgol. Nous sommes en gros coefficient de marée et le courant de vive eau est fort. Nous ne resterons pas passer la nuit au mouillage dans l’archipel cette fois-ci. Nous remettons les voiles dans la lumière du soir, et rejoignons Camaret par le sud de l’île de Beniguet puis la pointe Saint Mathieu. Passé la jetée de Camaret, sous la Tour Vauban, nous amenons les voiles et nous amarrons à quai. croisière en mer d’Iroise.

Dernier jour de croisière en Iroise de Camaret à Brest

Après un bon petit déjeuner sur les quai du vieux Port des langoustiers et une déambulation dans les ruelles de Camaret, Lord Jim reprend la mer. La grande bulle rouge du spinnaker est envoyée et une jolie brise nous propulse dans la Rade de Brest. Nous avons encore le temps pour une dernière escale. Nous doublons la Pointe des Espagnols et venons dévirer au guindeau dans l’anse face à La Cormorandière, sous la ruine couverte de végétation d’une antique garnison. Le temps d’un bain puis d’un bon repas, il est déjà l’heure de faire route sur le Moulin Blanc, le port d’attache de notre Jim. Cap à l’Est, sur le pont d’Iroise, en laissant la Penfeld sur bâbord.

Au port du Moulin blanc, après avoir fait un bon ménage du voilier, nous prenons le temps d’un pot d’adieu. Quatre jours de croisière en mer d’Iroise, c’est une grosse déconnexion, mais la prochaine fois, on pense déjà à partir une vrai bonne semaine à bord de Lord Jim. Le rendez-vous est pris!